"Makila, hautatu, zagita, denbora... du latin caché dans l'euskara". Elgar N° 624 Mars/Avril 2024)
L'euskara est une langue tellement particulière et étrange que l'on oublie souvent qu'au-delà de son lexique propre qui remonte à la nuit des temps, elle a forcément subi l'influence du latin et de ses deux grandes voisines, le français et le castillan. Néanmoins, alors que certains mots sont presque des emprunts directs au latin, sans grand changement, il en est bien d'autres où le basque a appliqué ses propres caractéristiques sur des racines latines qu'il a plus ou moins transformées.
Ainsi, comment voir dans le mot "malika", désignant le bâton traditionnel basque, qui est en fait une sorte de canne-épée, autre chose qu'un mot purement basque ? Eh bien non ! Car le mot "malika", est directement dérivé du mot latin "bacilium" (prononcé "bakilom" ou "bakiloum") qui signifie justement bâton en latin. Ce mot a d'ailleurs donné en français le mot "bacille", un nom masculin qui désigne un type spécial de bactérie en forme de bâtonnet et dont les plus célèbres sont le bacille de Yersin, responsable de la peste, et le bacille de Koch, responsable de la tuberculose.
L'adoucissement du "b" de "bacillum", devenu "m" pour "malika", répond au même processus qui a fait passer de la racine latine "tempora", le temps, au basque "denbora". De même le mot basque "zagita", la flèche, vient directement des latin "sagitta", et rappelle que le Sagittaire, était d'abord un archer.
L'étymologie du verbe 'hautatu", choisir, est plus masquée. Mais le début du mot "hautatu", est bien une déformation de la racine "opta", que l'on retrouve dans le mot latin "optare" (examiner avec soin, choisir), et qui a d'ailleurs donner en français le verbe "opter". Rappelons enfin que le mot basque "hauteskunde", qui signifie "élection", est dérivé de "hauta", le choix et de "eskua", la main. En effet, une personne élue est bien, lors du vote, "choisie avec la main" !
Jean-Baptiste Heguy