"La très étrange semaine basque". Elgar N° 625 Mai/Juin 2024)
Selon l'Académie de la Langue Basque, Euskaltzaindia, les noms des jours de la semaine sont clairement codifiés en euskara batua : astelehena (lundi), asteartea (mardi), asteazkena (mercredi), osteguna (jeudi), ostirala (vendredi), larunbata (samedi) et igandea (dimanche).
Rappelons, comme nous l'avons déjà fait il y a longtemps, que les trois premiers jours de la semaine (astelehena, asteartea, asteazkena) signifient en fait : le premier de la semaine (de "aste" : la semaine et "lehen", le premier), le milieu de la semaine (de "arte", entre) et le dernier de la semaine (de "azkena", le dernier). cela prouve qu'à une époque , les Basques avaient une toute autre manière de répartir le temps, avec une subdivision de base de trois jours. Comme le dit l'écrivain et professeur de basque Joseba Santxo Uriarte : "On ne peut pas préciser exactement comment et quand ils ont été adoptés pour désigner les périodes hebdomadaires, mais il existe suffisamment de preuves que les civilisations préchretiennes ne coïncident pas toujours sur le nombre de jours dans une semaine : Les Assyriens et les Babyloniens distinguaient cinq jours. Chez les Egyptiens, la semaine comprenant jusqu'à 10 jours, et les divisions en 3 ou 9 jours prévalaient chez les Celtes, considérant les jours comme des intervalles de temps qui ne sont, de toute façon, pas toujours exacts et/ou symétriques. En attendant que de nouvelles données nous aident à la contextualiser et à la chronologiser, les formes mentionnées servent en effet de preuve vivante de l'ancienne semaine basque de 3 jours".
De son côté, Julien Vinson, dans une étude datant de 1908, explique que la subdivision de l'ancienne semaine basque de trois jours, fait peut-être directement référence au calendrier lunaire. En effet "astea", signifie "semaine" en basque mais signifie aussi "commencement" (que l'on retrouve dans le verbe basque "hasi, hastea", commencer"). Et ce commencement ferait justement référence au commencement des phases de la lune. Ajoutons d'ailleurs qu'une autre manière de désigner le lundi, est "ilena", qui signifie "le jour de la Lune" (de "hil, il", la Lune).
Pour "retomber" sur une subdivision de sept jours, sous l'influence latine et surtout chrétienne, les Basques ont dû certainement "ajouter" des jours supplémentaires à leur subdivision initiale. Le jeudi est devenu "osteguna", c'est-à-dire "le jour d'Ortzi", le dieu basque du Ciel et du Tonnerre (de "Ortzi" et "eguna", le jour). Le vendredi est devenu "ortzirala" ou "ostirala", dont l'étymologie reste obscure mais pourrait dériver de "Ortzi" et de "irala", une déformation de "ilargia", la Lune. Ostirala serait donc "le jour où Ortzi rencontre la Lune". Le samedi et le dimanche feraient de nouveau référence aux phases lunaires. "Larunbata", serait issu de "lau, laur", quatre et "bat", un, et signifierait "le quart" ou le "quartier" de la Lune. "Igande", signifiant dimanche, ferait référence à la "montée" ou"l'accroissement" de la Lune (du verbe "igo", monter).
Dans d'autres régions du Pays Basque, l'origine des noms supplémentaires des jours s'ajoutant à la subdivision tri-quotidienne serait plus obscure. Ainsi, vendredi peut se dire dans certaines variantes "egubakoitza", ce qui signifie littéralement "jour unique" (de "egun", jour et "bakoitz", unique). Dans d'autres régions, comme en Basse-Navarre, c'est le samedi qu'on appelle "ibiakoitza ou ebiakoitza", qui signifie aussi "jour unique".
Dans d'autres cas, c'est l'influence chrétienne qui a marqué les appellations des jours de la semaine. Ainsi, vendredi peut aussi se traduire en Hegoalde par "bariku" qui serait un dérivé, selon Joseba Santxo Uriarte, de "abari gabeko" (eguna), qii signifie littéralement "jour sans souper". En Soule, le samedi est appelé "neskenegun", (littéralement "jour de la jeune fille", de "neska", jeune fille et "eguna", le jour). Il serait ainsi le "Jour de la Vierge. De son côté, Julien Vinson dit que "neskenegun, pourrait être en fait une dérivation de "azkenegun" (littéralement : le dernier jour). Dans certaines régions d'Hegoalde, le samedi est appelé "zapatua" (dérivé des droite ligne du latin "sabbatum", repos, lui-même dérivé du mot hébreu "shabbat"). Enfi, à la place de "igande", on désigne aussi le dimanche par "domeka", un mot dérivé en droite ligne du latin "dominicus", et désignant "je jour du Seigneur".
C'est donc à un véritable patchwork de différentes origines et étymologies que les Basques actuels doivent les différentes appellations des jours de la semaine.
Jean-Baptiste Heguy