Des fleurs au nom très évocateur Elgar N° 619 Mai/Juin 2023)

En basque, on retrouve souvent des noms de fleurs assez classiques traduits littéralement comme "arrosa" (la rose), hiazintoa" (la jacinthe) ou" hortensia" (l'hortentsia). Mais on trouve aussi pour lesquels le peuple basque a fait preuve d'une grande poésie, voire d'une imagination débordante.

Ainsi, en euskara, la tulipe peut se dire "tulipa", mais elle peut aussi être appelée idi-bihotza", ce qui signifie littéralement "coeur de boeuf" (de "idia", le boeuf et "bihotza", le coeur). Une appellation qui fait certainement référence à la forme arrondie des corolles de tulipes ou la couleur de certaines d'entre elles qui peut aller du rouge au rouge violacé ou au violet, ce qui peut rappeler précisément un "coeur de boeuf". La marguerite, ou la pâquerette sont appelées en euskara "bitxilorea", c'est à dire la "fleur-bijou" 'de "lorea", la fleur et "bitxia", le bijou). Le chrysanthème se dit "urrelilia", ce qui veut dire "la fleur d'or" (de"lilia", la fleur, et "urgea", 'or) qui est une traduction littérale de "chrysanthème', qui vient du grec "khrusos", l'or et "antes", la fleur. La primevère a suivi aussi un chemin étymologique similaire. On l'appelle en basque "udaberri-lore" ou "San Jose lore", qui signifie "fleur du printemps" (de "udaberri", le printemps). Le mot "San Jose lors" fait référence au fait que la Saint Joseph tombe le 19 mars et annonce le début du printemps (21 mars). Rappelons que l'étymologie de "primevère" vient du latin "prima", première et "vera" le printemps car c'est la première fleur qui réapparaît au printemps, qui se dit d'ailleurs en italien "primavera". Certaines autres fleurs ont fait l'objet d'appellation beaucoup plus inattendues, ainsi la digitale, dont le nom vient du latin "digits", en raison de la forme de doigt de sa corolle. Les Basques y ont vu une autre chose puisqu'ils l'ont appelée "kukupraka", c'est à dire "le pantalon du coucou" (de "parka", le pantalon. Quand à la jonquille, elle est appelée de différentes manières en basque, mais la plus étrange reste "txoriburua" (littéralement "tête d'oiseau", de "txoria", l'oiseau et "bureau", la t^te). Nous sommes bien en peine de comprendre comment les Basques ont fait le parallèle !

 

Jean-Baptiste Heguy