"Sasi“ : un buisson bien pratique (Elgar N° 608 Juillet/Août 2021)

En euskara, le mot "sasi", désigne le buisson, le fourré ou la ronce.

Selon le linguiste Michel Morvan, ce terme serait à rapprocher de l'estonien "sais" (broussaille, enchevêtrement) ou du sarde "sazu" (épine). Sur cette base, plusieurs mots basques très poétiques ont été formés.

Le chèvrefeuille se dit ainsi en basque "sasiama", littéralement, "la mère des fourrés" (de "ama", la mère). Certainement une référence au fait que le chèvrefeuille est une plante grimpante et volubile qui de développe très rapidement.

La bétoine, plante vivace et officinale, est appelée en basque, "sasibelar", c'est-à-dire "l'herbe des fourrés". Pour information, symboliquement la bétoine aurait depuis des siècles la faculté de protéger du "mauvais oeil". Plus scientifiquement, la bétonne contient de nombreux principes actifs, dont la bétaïne, très connue des fêtards pour ses propriétés digestives.

Et en euskara, le "guérisseur" est appelé "sasimediku", c'est-à-dire littéralement, "médecin des fourrés".

Plus rude mais en même temps poétique, le bâtard se dit en basque, "sasikume", littéralement "l'enfant des fourrés" (de "umea", l'enfant). Une référence directe aux nombreux accouchements qui à une époque ont dû se faire en secret, quand des naissances hors mariage survenaient. De même le maquisard est appelé en basque "sasitar", c'est-à-dire "l'habitant des fourrés".

Enfin, le mot "sasi" est aussi présent dans une expression commune: "sasitik berrora", qui signifie "de plus en plus mal, de mal en pis". Dans cette expression, "berroa" désigne "la ronce, le buisson" et exprime la situation difficile où une personne qui se sort d'une passe difficile (symboliquement les ronces, les fourrés) retombe en fait dans une situation encore plus malaisée et plus inextricable. 

 

Jean-Baptiste Heguy