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 "sasi, un buisson bien utile". Elgar N° 628 Novembre/Décembre 2024)

Au Pays Basque, les apprentis-parapentistes le savent bien. Lors de l'atterrissage, il vaut mieux éviter les "sasi" ou buissons épineux (bruyères, genêts, ajoncs...) qu'on trouve très facilement en bas des pentes montagneuses, si on ne veut pas se relever avec quelques zébrures !

Ils ne savent en revanche pas forcément qu'en basque, le mot "sasi" a servi à créer de nombreux jolis mots très imagés. En premier lieu, le "sasitar" est le maquisard (littéralement, "habitant du maquis ou du buisson"), avec le suffixe -ar(ra), qui sert à désigner au Pays Basque les habitants des villes ou villages "gentilés", comme par exemple "Arrosatar", habitant de Saint-Martin-d'Arrosa en Basse-Navarre (appelé "Arrosa" en basque).

 Le "sasikume" est le bâtard (de "ume", enfant, donc littéralement "l'enfant des buissons ou des fourrés"), tandis que le "sasimediku", est le guérisseur (littéralement "médecin des fourrés"). Encore plus imagés sont les mots "sasijakintsu", savatasse, je-sais-tout, de "jakintsu", savant (littéralement "savant des fourrés") ou "sasizientzia", qui désigne la pseudo-science 'littéralement "science des fourrés"). Enfin dans la même famille que "sasi", on trouve le mot "sastraka", qui désigne en basque la broussaille.

Jean-Baptiste Heguy

 

 

 "Ez hitz eman, gero damutzekotan" (Elgar N° 628 Novembre/Décembre 2024)

"Ez hitz eman, gero damutzekotan"

(Ne promets pas, si c'est pour le regretter après)

Traditionnellement, les Basques n'ont pas l'habitude de parler pour ne dire dire. C'est plutôt tout l'inverse puisque dans beaucoup de situations qui scandent la vie des villages typiques d'Euskadi, il vaut mieux bien réfléchir avant de parler. D'une certaine manière, l'esaera ci-dessus précise le plus fameux proverbe basque : "Hitza hitz", (Une parole est une parole). Les Basques préfèrent en effet ne pas parler plutôt que de dire ou promettre quelque chose qui va les engager, comme un serment. Comme lors des grandes foires au bétail qu'on trouve un peu partout au Pays basque et où les vendeurs et les acheteurs, après avoir négocié verbalement et s'être entendus sur un prix, se tapent dans la main et n'ont pas besoin d'un contrat écrit pour que, de chaque côté, les obligations soient respectées. 

 

 

Jean-Baptiste Heguy

 

 

 "Zilar, Kobre, Burdin...l'aventure des métaux en basque". Elgar N° 626 Juillet/Août 2024)

A première vue, le mot "zilar", qui désigne en euskara l'argent, semble avoir une origine purement basque, mais selon le projet Babel (dictionnaire étymologique basque en ligne, traduit en français, espagnol et anglais) coordonné par le linguiste Michel Morvan, le mot remonterait au XIVème siècle et viendrait du germanique "silber". Ce mot serait passé ensuite en allemand ("silbar") et en anglais ("silver"). A noter que, suivant littéralement l'ancien nom du mercure, autrefois appelé "vif-argent", à cause de sa forme liquide et de ses curieuses propriétés, le mercure est désigné en basque sous le mot "zilarbizi" qui signifie littéralement "vif-argent" (de "bizi", vif, vivant).

Le cuivre, pour sa part, se dit en basque "kobre", qui est un emprunt directe au castillan "cobre". Mais i peut aussi se dire 'kupre", et là, il y a un stade étymologique très intéressant. En effet, "kupre" est directement issu du latin "cuprum", variante populaire de "Cyprium", correspondant au nom de l'île de Chypre. A l'origine, l'île est désignée en grec sous le nom "Kupros". Les Romains importaient en effet leur cuivre de Chypre (surnommée à l'époque , "l'île aux mille mines") et par métonymie, ils ont associé le nom du métal au nom propre de l'île, en abandonnant le mot grec initial "khalkos" (cuivre), qu'on retrouve notamment dans le mot "Chalcolithique", qui désigne l'Age de Cuivre. Et on remarque donc que le mot basque "kupre" est très proche de la racine grecque et latine du mot, et s'est fixé à un stade étymologique beaucoup pus ancien que "cuivre", qui a la même origine, mais qui a été encore très transformé.

Reste le mot "burdin" (fer), dont l'étymologie reste obscure. Certains, à cause des reflets bleus gris du métal, le rapprochent du mot basque "urdin" (bleu). Selon le linguiste et écrivain Arnaud Etchamendy, qui fait partie d'une école de linguistes qui rapproche de nombreux mots basques de racines indo-européennes, le mot "burdin" serait issu de la racine "din, dun" ("qui tient de ", "semblable à") qu'on retrouve dans "jardin", bleu (littéralement "semblable à l'eau"), et de la racine "bur", qui serait issu de la racine grecque "pyr, pyro", désignant le feu. Le mot "burdin", signifierait donc "semblable au feu", par une autre allusion directe à la forge. une étymologie séduisante mais qui n'est pas encore totalement prouvée. terminons enfin avec le toponyme "burdinkurutxeta", qui désigne un col menant en forêt d'irati, au-dessus de l'endive (Basse-Navarre) et qui signifie "col de la Petite croix de fer" (de "gueuze", croix ou "kurutxeta", petit croix).

 

Jean-Baptiste Heguy

 

 

 "La très étrange semaine basque". Elgar N° 625 Mai/Juin 2024)

Selon l'Académie de la Langue Basque, Euskaltzaindia, les noms des jours de la semaine sont clairement codifiés en euskara batua : astelehena (lundi), asteartea (mardi), asteazkena (mercredi), osteguna (jeudi), ostirala (vendredi), larunbata (samedi) et igandea (dimanche).

Rappelons, comme nous l'avons déjà  fait il y a longtemps, que les trois premiers jours de la semaine (astelehena, asteartea, asteazkena) signifient en fait : le premier de la semaine (de "aste" : la semaine et "lehen", le premier), le milieu de la semaine (de "arte", entre) et le dernier de la semaine (de "azkena", le dernier). cela prouve qu'à une époque , les Basques avaient une toute autre manière de répartir le temps, avec une subdivision de base de trois jours. Comme le dit l'écrivain et professeur de basque Joseba Santxo Uriarte : "On ne peut pas préciser exactement comment et quand ils ont été adoptés pour désigner les périodes hebdomadaires, mais il existe suffisamment de preuves que les civilisations préchretiennes ne coïncident pas toujours sur le nombre de jours dans une semaine : Les Assyriens et les Babyloniens distinguaient cinq jours. Chez les Egyptiens, la semaine comprenant jusqu'à 10 jours, et les divisions en 3 ou 9 jours prévalaient chez les Celtes, considérant les jours comme des intervalles de temps qui ne sont, de toute façon, pas toujours exacts et/ou symétriques. En attendant que de nouvelles données nous aident à la contextualiser et à la chronologiser, les formes mentionnées servent en effet de preuve vivante de l'ancienne semaine basque de 3 jours".

De son côté, Julien Vinson, dans une étude datant de 1908, explique que la subdivision de l'ancienne semaine basque de trois jours, fait peut-être directement référence au calendrier lunaire. En effet "astea", signifie "semaine" en basque mais signifie aussi "commencement" (que l'on retrouve dans le verbe basque "hasi, hastea", commencer"). Et ce commencement ferait justement référence au commencement des phases de la lune. Ajoutons d'ailleurs qu'une autre manière de désigner le lundi, est "ilena", qui signifie "le jour de la Lune" (de "hil, il", la Lune).

Pour "retomber" sur une subdivision de sept jours, sous l'influence latine et surtout chrétienne, les Basques ont dû certainement "ajouter" des jours supplémentaires à leur subdivision initiale. Le jeudi est devenu "osteguna", c'est-à-dire "le jour d'Ortzi", le dieu basque du Ciel et du Tonnerre (de "Ortzi" et "eguna", le jour). Le vendredi est devenu "ortzirala" ou "ostirala", dont l'étymologie reste obscure mais pourrait dériver de "Ortzi" et de "irala", une déformation de "ilargia", la Lune. Ostirala serait donc "le jour où Ortzi rencontre la Lune". Le samedi et le dimanche feraient de nouveau référence aux phases lunaires. "Larunbata", serait issu de "lau, laur", quatre et "bat", un, et signifierait "le quart" ou le "quartier" de la Lune. "Igande", signifiant dimanche, ferait référence à la "montée" ou"l'accroissement" de la Lune (du verbe "igo", monter).

Dans d'autres régions du Pays Basque, l'origine des noms supplémentaires des jours s'ajoutant à la subdivision tri-quotidienne serait plus obscure. Ainsi, vendredi peut se dire dans certaines variantes "egubakoitza", ce qui signifie littéralement "jour unique" (de "egun", jour et "bakoitz", unique). Dans d'autres régions, comme en Basse-Navarre, c'est le samedi qu'on appelle "ibiakoitza ou ebiakoitza", qui signifie aussi "jour unique".

Dans d'autres cas, c'est l'influence chrétienne qui a marqué les appellations des jours de la semaine. Ainsi, vendredi peut aussi se traduire en Hegoalde par "bariku" qui serait un dérivé, selon Joseba Santxo Uriarte, de "abari gabeko" (eguna), qii signifie littéralement "jour sans souper". En Soule, le samedi est appelé "neskenegun", (littéralement "jour de la jeune fille", de "neska", jeune fille et "eguna", le jour). Il serait ainsi le "Jour de la Vierge. De son côté, Julien Vinson dit que "neskenegun, pourrait être en fait une dérivation de "azkenegun" (littéralement : le dernier jour). Dans certaines régions d'Hegoalde, le samedi est appelé "zapatua" (dérivé des droite ligne du latin "sabbatum", repos, lui-même dérivé du mot hébreu "shabbat"). Enfi, à la place de  "igande", on désigne aussi le dimanche par "domeka", un mot dérivé en droite ligne du latin "dominicus", et désignant "je jour du Seigneur".

C'est donc à un véritable patchwork de différentes origines et étymologies que les Basques actuels doivent les différentes appellations des jours de la semaine.

 

 

Jean-Baptiste Heguy

 

 

 "Makila, hautatu, zagita, denbora... du latin caché dans l'euskara". Elgar N° 624 Mars/Avril 2024)

L'euskara est une langue tellement particulière et étrange que l'on oublie souvent qu'au-delà de son lexique propre qui remonte à la nuit des temps, elle a forcément subi l'influence du latin et de ses deux grandes voisines, le français et le castillan. Néanmoins, alors que certains mots sont presque des emprunts directs au latin, sans grand changement, il en est bien d'autres où le basque a appliqué ses propres caractéristiques sur des racines latines qu'il a plus ou moins transformées.

Ainsi, comment voir dans le mot "malika", désignant le bâton traditionnel basque, qui est en fait une sorte de canne-épée, autre chose qu'un mot purement basque ? Eh bien non ! Car le mot "malika", est directement dérivé du mot latin "bacilium" (prononcé "bakilom" ou "bakiloum") qui signifie justement bâton en latin. Ce mot a d'ailleurs donné en français le mot "bacille", un nom masculin qui désigne un type spécial de bactérie en forme de bâtonnet et dont les plus célèbres sont le bacille de Yersin, responsable de la peste, et le bacille de Koch, responsable de la tuberculose.

L'adoucissement du "b" de "bacillum", devenu "m" pour "malika", répond au même processus qui a fait passer de la racine latine "tempora", le temps, au basque "denbora". De même le mot basque "zagita", la flèche, vient directement des latin "sagitta", et rappelle que le Sagittaire, était d'abord un archer.

L'étymologie du verbe 'hautatu", choisir, est plus masquée. Mais le début du mot "hautatu", est bien une déformation de la racine "opta", que l'on retrouve dans le mot latin "optare" (examiner avec soin, choisir), et qui a d'ailleurs donner en français le verbe "opter". Rappelons enfin que le mot basque "hauteskunde", qui signifie "élection", est dérivé de "hauta", le choix et de "eskua", la main. En effet, une personne élue est bien, lors du vote, "choisie avec la main" !

 

Jean-Baptiste Heguy